Le paradoxe de l’épargne et des taux bas

Publié le 21 Déc 2019

horloge Lecture de 4 min.

Rédigé par Pauline Magnin

Thématique : Actualités

Le paradoxe de l'épargne et des taux bas

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Les taux bas n’ont pas eu le dernier mot. Malgré les records atteints, les Français n’ont pas changé leurs habitudes. Ils continuent d’épargner et ont même augmenté leur effort d’épargne. Un phénomène contre-intuitif mais très culturel. Explications.

Le marché de l’épargne en pleine ébullition

Drôle de constat en cette fin d’année, l’éternelle chute des taux n’a pas détourné les ménages français de l’épargne. Au contraire, l’effort d’épargne est en hausse en 2019. Il se situe à 1 point au-dessus de la moyenne enregistrée en 2018. Un résultat qui laisse perplexe les économistes. En effet, les taux ayant atteint un record historique, on s’attendrait à ce que les agents économiques que nous sommes en profitent au maximum et augmentent leur niveau de consommation plutôt que leur niveau d’épargne.

Force est de constater que la pratique ne colle pas toujours à la théorie. Ou presque. Car ce comportement trouve son explication dans le contexte actuel, relativement incertain. Les Français épargnent, car ils estiment les perspectives futures mauvaises. Si les taux bas sont une belle opportunité, les préoccupations de long terme (préparer sa retraite, protéger et accompagner ses enfants, etc.) ne sont pas laissées de côté. Autre argument avancé par certains spécialistes, le supplément de revenus issu des mesures des gilets jaunes qui pourrait avoir contribué à ce sursaut. Quelles que soient les raisons, dans un contexte où l’épargne ne rapporte quasiment plus, les ménages augmentent leur effort pour maintenir la valeur de leur patrimoine.

Le cas français, exemple de l’équivalence ricardienne

Le paradoxe de l’inflexion de l’épargne face aux taux bas illustre une théorie économique connue sous le nom d' »équivalence ricardienne« . Les économies occidentales sont de plus en plus confrontées à cette théorie. Le principe ricardien associe impôt et déficit public. Il admet que les contribuables ont la capacité de faire le lien entre dépenses publiques actuelles et taxes à venir. Cette théorie met en avant le fait que les politiques de relance sont neutralisées puisque l’impôt et le déficit public ont les mêmes conséquences : l’agent économique épargne. Les contribuables sont de plus en plus sensibilisés à ce problème d’équivalence. Lorsque l’État augmente son déficit public, notamment via l’emprunt, il intervient uniquement sur la structure intertemporelle des impôts. Les Français le savent, c’est pourquoi ils anticipent les futurs impôts induits par la dette publique actuelle. Il s’agit alors d’épargne de précaution.

Dans le contexte actuel de taux extrêmement bas, l’État français emprunte, mais ne creuse pas forcément son déficit. Selon Bercy, la chute des taux a permis de faire baisser la dette publique de 5 milliards d’euros en moins d’un an. Ce chiffre pourrait même augmenter si on en croit les perspectives de la Banque de France. Une bonne nouvelle pour l’État qui ne remet pas forcément en cause l’équivalence ricardienne. Car dans les faits, le déficit existe toujours, mais les taux bas fragilisent le système bancaire. Ce dernier pénalise ceux qui ont de l’argent de côté. En résumé, l’épargne ne rapporte plus. Un contexte qui vient chambouler les habitudes des épargnants.

La difficile nécessité de changer les habitudes

Les Français sont les champions du placement sans risque. Le livret A reste toujours le premier choix lorsqu’il s’agit de faire fructifier son argent. Toutefois, les taux bas et la réforme de l’épargne apportée par la loi Pacte remet en cause cette habitude. Les livrets et autres placements non-risqués ne rapportent plus d’argent. En 2008, le livret affichait un rendement de 4 %. Aujourd’hui, les livrets réglementés ont une rémunération inférieure à 1 %. Plutôt fourmis que cigales, les Français doivent donc faire un choix : augmenter leur épargne pour maintenir un niveau de rendement ou bien se tourner vers d’autres types de placements au rendement plus élevé.

Seul hic, les Français ne semblent pas prêts à prendre des risques. Selon un sondage Ifop réalisé début octobre, 90 % des personnes interrogées disent préférer « une épargne sécurisée, qui rapporte peu, mais ne présente aucun risque de perte » à « une épargne risquée, qui rapporte beaucoup, mais présente un risque de perte ». Outre l’aversion du risque, c’est aussi un manque de connaissance des mécanismes de la finance qui freine le changement des habitudes.

Placements : une reconfiguration se dessine

La persistance des taux bas a pourtant contribué à faire bouger quelque peu ces habitudes en donnant la part belle à la pierre. Si l’immobilier comme placement n’est pas une nouveauté, l’inflexion se renforce grâce aux taux bas qui permettent d’emprunter à moindre coût. L’opération est d’autant plus intéressante que les intérêts d’emprunt sont déductibles des revenus fonciers et permettent de réduire l’assiette fiscale.

La nouveauté dans le choix des placements des Français réside dans les SCPI. En effet, la pierre-papier, moins contraignante, détrône l’immobilier locatif. Au cours du 1er semestre 2019, les SCPI ont collecté un total de 4,3 milliards d’euros. Une hausse de 78 % par rapport à la même période en 2018. Mais ces options n’ont pas encore obtenu leur place dans les rangs des habitudes des Français. Si une reconfiguration des placements s’esquisse, elle reste toutefois timide et proche du schéma initial. Mais une fourmi ne se transforme pas en cigale avisée du jour au lendemain.

En résumé

  • Malgré les taux bas, les Français épargnent davantage.
  • Ce paradoxe peut s’expliquer grâce à la théorie économique de « l’équivalence ricardienne ». Les épargnants anticipent une hypothétique hausse future des impôts.
  • Bien que les produits d’épargne non risqués comme le livret A ne rapportent plus d’argent, les choix des épargnants n’évoluent pas ou très peu.

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Pauline Magnin

Conseiller en gestion de patrimoine dans la Région du Nord-Ouest

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