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Accès à la propriété : « Nous sommes en train de créer de la pénurie, de la frustration et des inégalités »

Publié le 03 Juil 2023

horloge Lecture de 5 min.

Rédigé par Thomas Saint-Antonin

Thématique : Actualités

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INTERVIEW. Notaire de profession depuis une vingtaine d’années, Sébastien Alalouf dresse le bilan d’un marché immobilier malade. Hausse des taux en 2023, pénurie d’offres et de demandes, perspectives incertaines… Il n’élude aucun sujet.

SEBASTIEN ALALOUF

Notaire, spécialisé en promotion immobilière.


Après une première expérience dans une grande banque américaine à New-York, Sébastien Alalouf embrasse une carrière notariale à Toulouse. Il rejoint l’Étude BL Notaires en 2008 et accompagne désormais tous les acteurs de l’immobilier, français et étrangers dans leurs projets.

Selexium : En 2023, 15% des Français ont renoncé à investir dans l’immobilier en raison de la flambée des taux. Avez-vous ressenti cette baisse d’activité au sein de votre profession ?

Sébastien Alalouf : « Nous avons ressenti une baisse significative des transactions. Certaines banques nationales vont servir 50 % de prêts en moins cette année. L’une d’entre elle servait 18 milliards de prêts immobiliers en 2022, elle servira près de 9 milliards en 2023. La remontée des taux a dû être digérée par le marché, soit une hausse de 300 % à 400 % en moins d’un an. À côté de ça, le taux d’usure calculé de façon trimestrielle empêchait les banques d’accorder des crédits. Sur le premier trimestre 2023, un couple a perdu près d’un quart de sa capacité d’emprunt par rapport au premier trimestre 2022. Aujourd’hui, nous avons un volume de ventes qui a baissé significativement, entre 20 % et 30 % en moins sur les ventes de particuliers ».

– 50 %

La dégringolade du nombre de prêts accordés par certaines banques en 2023.

Les vendeurs sont-ils prêts à baisser le prix de leur bien pour compenser la hausse des taux ?

S.A. : « Il faut intégrer le fait que le marché ne sera plus le même que ce qu’il a été il y a quelques années. Si vous n’êtes pas en mutation professionnelle, en instance de divorce, avec un prêt relais ou dans une situation qui vous oblige à vendre, vous pouvez patienter et différer votre projet de déménagement. Ces mécaniques peuvent prendre plusieurs mois, voire plusieurs années. Nous sommes dans un marché un peu flou dans lequel les acheteurs veulent acheter, mais n’ont plus les moyens de le faire. Les vendeurs, eux, ne baissent pas leurs prix. Donc nous créons de la rareté sur le marché immobilier qui va sûrement ramener de l’inflation. Certains espèrent une déflation, je ne pense pas que ce sera immédiat. On garde parfois son bien toute une vie, donc on ne va pas le brader ».

« L’immobilier reste le principal actif que les Français se constituent dans une vie. Je ne crois pas qu’ils le bradent. »

Sébastien Alalouf

Quels sont les profils qui survivent face à cette double problématique d’offre et de demande ?

S.A. : « Si vous avez de l’argent, vous continuez à pouvoir acheter. Vous avez la confiance de votre banquier et la capacité d’épargne qui vous permettra éventuellement de combler le différentiel entre ce que vous auriez pu emprunter il y a un an et la capacité d’emprunt que vous avez aujourd’hui avec la remontée des taux. Les profils avec une famille qui peut aider par un prêt familial ou une donation, ça crée de l’inégalité sur les primo-accédants. Le logement social est aussi un acteur important pour favoriser l’accession à l’immobilier. Des volumes sont fournis avec des mécaniques comme le prêt social location-accession (PSLA) ou le bail réel solidaire (BRS) qui permettent à des acquéreurs aux revenus moyens, qui n’ont pas forcément d’apport, de pouvoir acheter ».

« On est en train de créer de la pénurie, de la frustration et des inégalités. Des inégalités car ceux qui ont une famille nantie pourront continuer à accéder à la propriété. Ceux qui ne l’ont pas vont être esseulés. »

Sébastien Alalouf

Une baisse de 20 % du marché immobilier est annoncée pour 2023. Est-ce envisageable et cela pourrait-il permettre de doper le nombre de ventes ?

S.A. : « Selon moi, ça n’arrivera pas. Les vendeurs vont décaler leur projet de vente, conserver les biens, sauf s’ils sont obligés de vendre. On parle du bien immobilier, chose que les gens ont mis 15, 20 ans à bâtir avec des sommes significatives. Les gens ont toujours envie d’acheter, il y a une vraie appétence. Un projet immobilier, c’est le projet d’une vie. Ca correspond à un besoin, à une histoire. Après, il y a des alternatives, notamment la possibilité que l’on a à se faire prêter de l’argent, par des prêts ou des financements un peu différents. Vous n’allez pas enlever une pièce parce que vous avez perdu en capacité d’emprunt. On assiste à une cristallisation du marché. Tout le monde attend. Au final, le marché est bloqué ».

« Les gens vont rester locataires, le risque c’est aussi de rester en tension sur le marché locatif. »

Sébastien Alalouf

Dans quelle mesure le marché du neuf a-t-il souffert de ce blocage immobilier ?

S.A. : « Le marché de l’offre dans le neuf a connu un arrêt assez significatif. En réalité, les promoteurs doivent débuter leurs programmes lorsqu’ils ont les permis, ce qui prend du temps. Mais aujourd’hui, le problème, c’est la solvabilité des ménages qui pourraient être en mesure d’acheter des appartements. Ici, il y a un vrai sujet. Si le promoteur n’a pas atteint un certain taux de pré commercialisation, c’est à dire d’intentions de vente avec des financements, il ne peut pas démarrer son programme ».

– 75 %

Soit la baisse du volume des transactions dans le neuf en 2023 en région toulousaine.

Quels conseils donneriez-vous à ceux qui hésitent encore à acheter cette année ?

S.A. : « Si vous avez la capacité d’entrer dans le marché, il faut le faire. N’attendez pas une hypothétique baisse, surtout qu’elle n’aura pas lieu dans beaucoup d’endroits comme les zones tendues. Les biens qui ont des défauts par exemple, notamment énergétiques ou avec des contraintes de voisinage, se vendront peut-être moins chers, mais trouveront bien évidemment preneur et vont remonter. Les gens qui ne pourront plus aller sur des marchés « normaux » vont, pour se loger à tout prix, aller sur des marchés plus « anormaux » pour pouvoir acheter à un prix plus bas. Il ne faut pas hésiter à entrer sur le marché, préparer sa retraite, préparer le complément de revenus et créer un patrimoine pour sa famille ».

Comment voyez-vous le marché évoluer d’ici la fin de l’année 2023 et à l’horizon 2024 ?

S.A. : « Il ne va pas se passer grand chose en 2023. Si nous n’assistons pas à des évolutions de normes en 2024, les gens ne vont pas créer d’argent magique. Si on ne modifie pas les conditions d’accès au crédit, le marché sera bloqué. Le seul espoir, c’est une modification des règles du taux d’usure et de l’accès au crédit qui permettraient de resolvabiliser quelque peu les acteurs économiques qui souhaitent acheter ».

En résumé

  • Au premier semestre 2023, un couple a perdu 1/4 de sa capacité d’emprunt par rapport au premier trimestre 2022 ;
  • Les vendeurs vont décaler leurs projets de vente plutôt que d’assumer une nette baisse du prix de leur bien ;
  • Sans évolution majeure des conditions d’accès au crédit, le marché sera toujours bloqué en 2024.

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Thomas Saint-Antonin

Rédacteur web, spécialisé en économie et gestion de patrimoine.

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